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Voda z dračí studánky (L'Eau de la source du dragon) de Vojtech Martínek, avec des illustrations et un graphisme de František Bělohlávek (1924-2019), 151 pages, éditions Profil, Ostrava, 1969 (2ème édition)


En parcourant ma bibliothèque de livres tchèques, je constate que les ouvrages qui me marquent le plus sont pour la plupart créés par des artistes qui semblaient y trouver avant tout un moyen de subsistance. Produits durant la période communiste, ces livres pour enfants sont devenus un espace de liberté artistique qui me fascine. Pourtant, cette époque reste douloureuse : souvent, une grande qualité graphique accompagne des textes de propagande ou des messages si contrôlés, sans rien qui dépasse, qu’il paraît presque insensé d’avoir publié des œuvres au graphisme aussi libre et créatif. D’un côté, on bride les textes, on enferme la pensée ; de l’autre, on confie les illustrations aux meilleurs artistes pour offrir aux enfants un univers graphique d’une immense richesse. Souvent, ces artistes n’ont illustré que quelques livres. Certains y ont fait carrière mais s’arrêtent à la chute du mur, revenant à leur art personnel, comme si cette aventure leur avait coûté trop cher.

Voda z dračí studánky fait partie de ces ouvrages. František Bělohlávek a peu illustré pour la jeunesse ; pour l’instant, je n’ai référencé que deux de ses ouvrages pour enfants, publiés entre 1965 et 1969, dont celui-ci, une deuxième édition avec une couverture moins frappante que la première.

Son approche de l’illustration est méthodique : les symboles et éléments sont stylisés avec précision, dans un travail de pochoir, de découpage de l’encre et de bichromie. Entre motifs héraldiques et références folkloriques, le thème est clairement posé. L’utilisation de la double page structure le récit en deux parties, chaque dessin répondant à l’autre pour poser les éléments essentiels de la narration. Le décor s’installe ainsi comme des isotypes folkloriques dont les formes frappent le regard.

Les couleurs récurrentes, le noir et le rouge, sont fortes et imposent le cadre du conte. Elles marquent aussi la noirceur et la violence de cette histoire.


En bref sur l’auteur :

František Bělohlávek (11 mai 1924, Nový Rychnov – 1er février 2019, Olomouc) peintre, graphiste, affichiste et illustrateur, artiste en arts appliqués et professeur d'université tchèque reconnu pour son influence dans le graphisme et l'illustration en Tchécoslovaquie et au-delà.

Il suit une formation artistique au Département d'éducation artistique de la Faculté de pédagogie de l'Université Charles de 1952 à 1955, sous la tutelle de Cyril Bouda. Sa jeunesse est marquée par des épreuves, dont des travaux forcés en Allemagne et une détention dans le camp de concentration de Dachau.

Dès 1951, il rejoint le département d'éducation artistique de l’Université Palacký à Olomouc, où il enseigna durant huit ans avant de se consacrer pleinement à son travail artistique en indépendant.

František Bělohlávek s’illustre particulièrement dans le domaine de l'illustration et du graphisme. Sa pratique artistique comprenait une vaste production d’affiches, de couvertures de livres, de mises en page, et d’ex-libris, avec une esthétique marquée par une modernité graphique audacieuse. Il a abordé un éventail de thèmes, passant de sujets politiques aux illustrations culturelles et commerciales. Ses affiches, créées notamment pour des événements culturels et des expositions, se distinguaient par un style visuel épuré et géométrique qui reflétait les courants avant-gardistes tout en restant accessible.

Dans le domaine des couvertures de livres et de la typographie, Bělohlávek sait intégrer un graphisme soigné qui met en valeur le texte tout en créant un impact visuel fort. Ses mises en page sont rigoureusement conçues pour allier l'efficacité visuelle et l’esthétique, répondant aux exigences de l'édition tout en démontrant une maîtrise de la composition. Il conçoit des illustrations pour des livres aux genres variés, de la littérature pour enfants à des ouvrages de sciences humaines, adoptant des techniques et des styles adaptés au sujet pour captiver différents publics.

En parallèle de son activité d'illustrateur et de graphiste, Bělohlávek développe des projets dans les arts appliqués et les arts architecturaux, créant notamment des tapisseries, des mosaïques, et des enseignes pour des bâtiments. Ces œuvres de grande échelle témoignent de sa capacité à transposer son talent graphique dans des formats architecturaux, enrichissant ainsi l’espace public et les intérieurs.

Il commence à exposer ses œuvres en solo dès 1967 en République tchèque, en Italie et en Allemagne, et participe à des expositions collectives dès 1959 dans des pays aussi divers que la Pologne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Russie, le Japon et les États-Unis. Ses œuvres sont présentes dans des collections prestigieuses, dont celles du Musée des arts décoratifs de Prague, de la Galerie morave de Brno, du Musée d'art d'Olomouc, et de nombreuses collections privées. Son impact dans le domaine du design graphique est salué par plusieurs distinctions, notamment le 3e prix de la Biennale de l’Art Graphique Appliqué de Brno en 1963 pour le design d’une affiche politique .

Tout au long de sa carrière, František Bělohlávek a été membre de nombreux collectifs artistiques, notamment le groupe "Radar", l'Union des artistes tchécoslovaques, l'Union des artistes tchèques, et l'Union des artistes d'Olomouc, où il a œuvré à la promotion et à l'évolution du design graphique en République tchèque.


source : BALEKA, Jan. František Bělohlávek. 1. vyd. Ostrava: Profil, 1971



 

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